Il n'y a rien à accepter. On ne peut pas accepter. Il suffit de sentir. Le mot "accepter" est un mot psychologique. Quand vous recevez une gifle, il n'y a rien à accepter. Vous sentez la chaleur, vous sentez la résonance, vous sentez ce mouvement s'intégrer, être absorbé par tout le corps. Où voyez-vous l'acceptation ? Accepter sous-entendrait qu'il y a quelque chose à faire. Non. Rien à faire. On ressent. Si je vois un chien qui se fait écraser, j'ai un choc, je ressens. Je ne m'impose pas d'accepter car il n'y a rien à accepter. Les jambes faibles, la salive qui se raréfie dans ma bouche, l'envie de vomir...Je ressens ce qui est là. Chacun a sa codification et sa capacité d'intégration. Pour certains, la vue d'un chien écrasé est supportable, mais si c'est un petit enfant le spectacle est intolérable. Pour d'autres, la vue d'un petit enfant écrasé est supportable, mais celle de leur chat écrabouillé les met en état de choc. Cela revient au même. Ce qui me touche psychologiquement est ce qui n'est pas résolu en moi.
Sensoriellement, bien sûr, je sens la souffrance du chien. On sent, il y a compassion, mais ce n'est pas psychologique. L'instant après, s'il faut s'occuper d'autre chose, on s'en occupe. Quand on est avec le chien qui souffre, on est avec lui. Quand on est avec un arbre l'instant d'après, on est avec l'arbre. Si l'on demeure psychologiquement avec le chien qui souffre, trois jours après on est toujours incapable de s'occuper de sa famille sous prétexte que le chien souffre...
Cela n'apporte rien au chien ! Constamment, je refuse la vie parce que j'ai cette mémoire psychologique. Je me rends compte de cela. Se rendre compte est sans cause. S'il y avait une cause, on pourrait la provoquer, mais on ne peut pas provoquer une maturation.
Lorsqu'on vit dans la peur, on peut créer une forme de défense en s'exerçant au combat, en se soignant sous hypnose contre la peur de l'avion ou en s'équipant de concepts spirituels. On ne se rend pas compte que toutes ces peurs révèlent une peur que l'on porte en soi. Non pas la peur de l'agression, de l'avion, de la mort, du père ou de quoi que ce soit d'autre. On peut arriver à transférer sa peur de l'avion, mais la peur reste. Je connais des gens qui peuvent tuer un buffle à coups de poing mais qui entrent dans la terreur si leur femme regarde leur voisin. On peut s'armer encore et encore, mais plus on est armé, plus on a peur.