C'est inévitable. Notre éducation et notre manière de penser font que nous sommes généralement assez peu en contact avec notre résonance aux choses. On adopte le projet de la société. Jusqu'à un certain âge, vous pensez qu'avoir un mari, un amant, deux enfants, deux voitures ou et une piscine est un projet tout à fait raisonnable et satisfaisant. Selon une autre culture, le projet consiste à faire du Yoga toute la journée...
A un moment donné, une maturation se fait, tous les projets que vous avez empruntés aux livres, que vous avez vus au cinéma, dont on vous a parlé, vont perdre de la substance pour vous. Vous avez connu cela ou non ; vous avez vu qu'il n'y avait pas grand-chose là-dedans.
Quand on ne compense pas immédiatement par un projet, on comprend, intellectuellement d'abord, qu'il n'y a rien à atteindre dans la vie, parce que tout ce que vous voulez atteindre ne contient absolument rien ; demandez à un milliardaire s'il est sans soucis !
A ce moment-là, une résonance se fait : vous vous rendez compte du projet que la vie a pour vous et qui ne sera pas forcément celui que vous visualisez. Ce n'est pas forcément d'avoir deux piscines...C'est un projet qui porte son fruit à chaque instant. Ce n'est plus demain, c'est dans l'activité maintenant que je trouve ma résonance.
Je n'y trouve rien d'objectif, ou, plus exactement, j'y trouve la création dans son ensemble, la non-séparation. Toute forme a disparu dans cette clarté. Je ne suis pas dans le projet, c'est le projet qui est en moi. J'écoute cette résonance. J'écoute mon corps, ce qu'il me réserve comme santé, maladie, accident. C'est lui qui décide ; moi, j'écoute ce que le psychisme me réserve de joie, de peine, de terreur, de solitude, de jalousie. J'écoute, comme pour une pièce de théâtre. Plus vous écoutez, plus vous vous apercevez que ces différentes colorations n'en sont qu'une. Ces émotions qui vous traversent, vous ne voudriez pas les éviter d'un millimètre.
Vous voyez un drame lyrique et c'est une forme de réjouissance en vous. C'est un peu la même chose. La situation arrive, vous la sentez comme un drame quelques instants, puis, tout de suite, ce drame est non dramatique. Vous vous rendez compte qu'il a sa propre beauté, sa totale justesse.
Il n'y a pas d'accident. Cette notion vous quitte. Mais il ne faut pas que ce soit un raisonnement. Quand on se rend compte que ce que l'on cherche n'est pas devant mais derrière, c'est inévitable. la pensée a peu de place là-dedans.
C'est pourquoi on joue avec la sensation. celle-ci est un reflet profond, plus direct, de cette évidence. Quand on joue avec le corps, Yoga, des moments de total non-projet surviennent. Ce n'est plus une idée sympathique c'est quelque chose que je ressens : Je suis présent ; il n'y a nulle part où je voudrais aller ; je suis totalement tranquille ; le bruit du vent, toutes les sonorités, les sensations tactiles, tout vit en moi. Peu à peu, cette capacité va augmenter. on peut inclure les accidents, la douleur, les gifles, les drames, la tristesse et le reste. Tout cela bouge et je ne bouge pas. Il y a une tranquillité... Mais il faut la sentir. C'est pour cela que le travail sensoriel a sa valeur sur ce plan-là.
D'instant en instant, quand de nouveau j'ai le projet de devenir quoi que ce soit : m'en rendre compte. Selon le dernier livre que j'ai lu, je veux aller en Inde, je veux écouter tel gourou, je veux faire tel placement, je veux acheter tel objet, je veux changer de mari, avoir un nouveau chien, apprendre le russe...Je vois le processus et un arrêt se fait. Dans la disponibilité sensorielle, il est facile de pressentir cela. Ensuite, ce pressentiment va étoffer notre vie quotidienne. Si l'on comprend cela profondément, toutes les questions métaphysiques sont résolues. IL n'y a rien à penser.